ÉVALUATIONS ET RECOMMANDATIONS
Formateurs
Alice Ronfard
Pour Alice Ronfard, une idée ou un projet défini et une attitude ouverte vont de pair dans cette formation de type laboratoire. Il est important que les participants aient une idée précise de ce qu’ils veulent faire pour alimenter les discussions avec les formateurs et pousser l’exploration le plus loin possible, ce qui les amène à tester des orientations auxquelles ils n’auraient peut-être pas pensé.
En contrepartie, ils doivent faire preuve d’une grande souplesse sur le plan créatif, un préalable à ce type de formation.
Le laboratoire offre aux participants une grande liberté de création et un espace pour tester leur matériel, tout en profitant de l’expertise de formateurs. Ce laboratoire a amené notamment la chorégraphe à laisser tomber certains éléments et les metteurs en scène à réécrire certaines parties de la pièce, à revoir leur mise en scène.
Comme l’a souligné Alice, « Claudia Chan Tak a, par exemple, au cours de la formation, bien intégré le vocabulaire que j’utilisais pour l’employer à son tour avec les danseuses. Non seulement elle a exploité toutes les possibilités offertes par cette formation sur le plan de la dramaturgie, de la technique, de la salle, etc., mais elle en a acquis le vocabulaire. »
Aussi, il doit y avoir une réflexion derrière l’utilisation d’une l’image : « pourquoi choisir cette image-là? Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette image? »
Ma principale recommandation pour une prochaine édition serait de n’avoir qu’un seul créateur, soit une seule chorégraphe, comme c’était le cas avec Claudia Chan Tak, ou un seul metteur en scène, car c’est plus difficile de travailler avec deux créateurs à la fois pour une même oeuvre, et ce, autant pour les créateurs eux-mêmes que pour les formateurs. Un seul créateur par projet, et qui a de l’expérience pour qu’il puisse profiter du laboratoire pour mener à bien l’œuvre qu’il veut développer.
Un des avantages de ce laboratoire a été de travailler avec un vidéaste avec qui j’avais déjà une grande complicité, puisque nous avions déjà collaboré professionnellement dans plusieurs projets. Il est important que les formateurs aient déjà un langage commun.
Autre élément important : que le projet soumis par un artiste soit un nouveau projet afin d’éviter que la formation ne sert pas à simplement valider des choix d’images, mais à effectuer une recherche artistique en vue de produire une œuvre.
Le fait d’avoir travaillé avec deux équipes différentes avec chacun leur projet ne posait pour les formateurs aucun problème. La formule permettait d’avoir du recul, un peu comme dans les master classes.
Éric Gagnon
Pour Éric Gagnon, les connaissances techniques ne sont pas nécessaires pour un laboratoire de création. Étant donné la multitude d’outils technologiques, il est impossible dans une formation de ce type de les enseigner tous et d’avoir pour objectif la maîtrise de ces outils par les participants.
Par contre, les artistes doivent avoir une idée précise de ce qu’ils veulent faire sur le plan artistique. Le vidéaste ne peut travailler pendant des heures sur une scène avec Q-Lab ou After Effects, pour ne nommer que ceux utilisés dans cette formation, et voir cette scène rejetée par la suite. On pourrait en effet passer 20 h sur une scène, à chercher du matériel visuel et à peaufiner une vidéoprojection avec After Effects.
En fait, ce qui est primordial pour un laboratoire de création, c’est de parvenir à un juste équilibre entre « avoir une idée précise et la développer, la tester », et « la souplesse de questionner son approche artistique ».
La formule par bloc d’une demi-journée ou journée complète, de deux à trois fois par semaine, est intéressante : le travail se fait de façon condensée tout en permettant aux artistes de prendre du recul tout en restant dans le mood de création, de poursuivre le travail à l’extérieur du laboratoire et d’y revenir le jour suivant, prêts à poursuivre le travail d’exploration.
Et le fait d’avoir une présentation devant public à la fin du laboratoire est une motivation supplémentaire pour amener les créateurs à parachever, à peaufiner leur œuvre. Ça oblige à une certaine rigueur.
Pour Éric Gagnon, la beauté de cette formation, à la fois pour les créateurs et les formateurs, c’est sa souplesse grâce à laquelle la formation devient une expérience artistique. Et le fait d’avoir deux groupes en même temps ne posait pas de problème.
Commentaires des participants
Volet danse
Claudia Chan Tak, chorégraphe
« Je constate à quel point j’ai développé ma technique de travail et ma démarche artistique grâce à cette formation. Les formateurs ainsi que les interprètes étaient vraiment à l’écoute de mes questionnements. J’ai senti que j’étais soutenue dans mes démarches et que tout le monde était là pour évoluer avec moi, et servir l’œuvre en construction. Les questions, discussions et constatations permettaient de peaufiner le travail et d’affirmer ma signature artistique. Avoir eu accès à un tel lieu (théâtre Les Deux Mondes), du matériel technique et l’expertise des formateurs a nourri mon travail. »
À la suite de la formation, la chorégraphe Claudia Chan Tak a obtenu une bourse qui lui a permis de poursuivre sa collaboration avec la metteure en scène Alice Ronfard sur le même projet, intitulé Koï, en plus de garder le contact avec le vidéaste Éric Gagnon pour de futurs projets.
Elle a aussi obtenu une certaine visibilité auprès de certains diffuseurs et compagnies de danse venus assister à la présentation devant public à la fin de la formation.
Volet théâtre
Marc-André Berthold et Simon-Pierre Lambert, metteurs en scène
La vidéoprojection est un langage que nous avons appris. On ne le maîtrise pas encore, mais on a appris à l’explorer. Grâce à cette formation, nous sommes conscients des possibilités qui s’offrent à nous. Dans la première version de la pièce, nous utilisions beaucoup le théâtre d’ombres. Au cours du laboratoire, nous nous sommes vite rendu compte que, dans certaines scènes, nous devions couper du texte, car il y avait redondance entre la parole et la vidéoprojection. Nous savons maintenant que le théâtre d’ombre et la vidéoprojection peuvent coexister. Avec le nouveau langage que nous avons acquis dans cette formation, nous pouvons maintenant composer des images qui vont enrichir ce théâtre d’ombres.
Les coauteurs et metteurs en scène de la pièce Hélios, Marc-André Berthold et Simon-Pierre Lambert, ont entamé en 2018 une nouvelle étape de création et sont actuellement en processus créatif et en recherche de diffuseurs partenaires. Mentionnons que la première mouture de la pièce a déjà été diffusée dans des théâtres jeunesse, où elle a remporté du succès. Ils souhaitent réaliser une nouvelle production d’Hélios, appuyée par le numérique.
Commentaires des interprètes (danseurs et comédiens)
« Travailler avec des gens qui ont plusieurs années d’expérience dans le milieu est très enrichissant. J’aurais aimé qu’il y ait plus de temps pour des discussions de partage et en savoir davantage sur les possibilités des technologies. »
« Ça m’a permis de mieux comprendre l’univers des nouvelles technologies en art. De voir comment la technologie peut venir supporter le mouvement et aider à créer un univers authentique. La formation était plus, selon moi, comme une résidence de création. »
« Cette formation m’a ouvert des possibilités techniques de mise en scène et de jeu avec la vidéoprojection, tout en l’expérimentant. Ça aurait été intéressant d’avoir un document écrit avec des informations théoriques concernant l’aspect technique (Q-Lab, projecteurs, lentilles, etc.). »
« Je voudrais une formation qui permette d’utiliser les outils numériques en les manipulant concrètement afin de mieux comprendre leur fonctionnement et leurs possibilités. »
« Cette formation est une occasion de démarrer un projet de création scénique, encadré par des personnes expérimentées qui nous aident à rendre plus efficace notre travail en studio. Je suis heureuse d’avoir pu me familiariser avec certains termes techniques d’éclairage. Alice Ronfard et Éric Gagnon sont de super formateurs pour ce cours. J’ai apprécié qu’ils soient en quelque sorte des conseillers artistiques, collaborateurs à la création. »
« Cette formation va me permettre de continuer un projet intéressant. Les apprentissages que j’y ai faits sont du même ordre que n’importe quel autre projet de création auquel je participe dans le cadre de mon métier. »
« Ça m’a permis de comprendre tout ce que le travail avec la vidéo demande comme temps mais aussi ce qu’il offre comme possibilités créatrices. Aussi, de voir comment travaille Alice Ronfard est très formateur. Il aurait été souhaitable d’avoir une dizaine d’heures de plus ou davantage d’heures par jour. »
« J’en ai appris plus sur l’utilisation des nouvelles technologies numériques. Toutefois, il y avait une dichotomie entre le volet danse et le volet théâtre. Dans le volet danse, toutes les participantes faisaient partie de la création de l’œuvre de la chorégraphe, tandis que dans le volet théâtre, trois participants faisaient partie de la compagnie pour laquelle le projet était développé alors que les deux autres comédiens, de l’extérieur, étaient au service d’une recherche, sans continuité sur le projet. »
« Cette formation a été complexe, mais elle m’a appris justement à réfléchir aux étapes et au comportement à suivre pour concevoir un spectacle avec des outils numériques. Le fait qu’il y ait eu deux metteurs en scène et trois comédiens pour deux rôles a limité le travail. »